La crise énergétique actuelle en Europe met en évidence l’urgence d’une meilleure maîtrise de la consommation d’énergie par les particuliers, les entreprises et les administrations. Parmi les outils à notre disposition, les données énergétiques jouent un rôle central. Comment utiliser ces données énergétiques ? Pour quels usages ? Comment le projet Rudi peut soutenir ces nouveaux usages ? Pour en discuter, nous avons interrogé une startup et un distributeur d’énergie, tous deux associés au projet Rudi.
Lorsqu’il est question de données et d’énergie, on pense généralement à l’impact carbone du secteur informatique. En effet, la collecte et le stockage des données contribuent au réchauffement de la planète. Selon l’Agence internationale de l’énergie, les centres de données consomment près de 1 % de la demande mondiale d’électricité, contribuant ainsi à 0,3 % de toutes les émissions mondiales de CO2. Dans cet article, nous souhaitons montrer comment les données sur l’énergie pourraient, dans le même temps, contribuer à la réduction de la consommation d’énergie et donc à la lutte contre le changement climatique.
Qu’entendons-nous par données sur l’énergie ? La première chose qui vient à l’esprit du grand public est l’image des compteurs intelligents, par exemple Linky (pour l’électricité) ou Gazpar (pour le gaz). Pourtant, les données énergétiques sont toutes les données produites et collectées tout au long de la chaîne, de la production et du transport à la distribution et à la consommation.
Les défis des données énergétiques
Laurent Le Breton, fondateur et directeur de la société Eegle, explique les principaux défis : « Tout d’abord, les données sont très détaillées : il est possible d’évaluer la consommation intrajournalière de chaque bâtiment. Ensuite, il faut souligner que les données énergétiques ne sont pas faciles à traiter en raison du volume massif de données générées. On se retrouve rapidement à devoir traiter des millions d’enregistrements ! Enfin, il y a un besoin important d’assurer un accès sécurisé à ces données, qui peuvent être sensibles« . Faciliter l’accès aux données énergétiques et offrir des perspectives à ses clients, c’est précisément ce que fait Eegle, une jeune entreprise innovante basée à Rennes.
Enedis est le distributeur national d’énergie actif sur le territoire de Rennes Métropole. Il est également partenaire du projet Rudi. Nicolas Viel, responsable du pôle numérique et innovation d’Enedis Bretagne, précise également le rôle majeur que jouent aujourd’hui – et joueront demain – les données dans le cadre de la transition énergétique. En effet, au-delà de l’enjeu de la réduction de la consommation, il y a également un changement de paradigme dû à la place croissante des énergies renouvelables. » Avec les énergies renouvelables, on va changer de logique : aujourd’hui on produit de l’énergie en fonction du niveau de consommation, demain ce sera l’inverse « .
Précisons ce point : aujourd’hui, les capacités de production d’énergie sont adaptées en fonction des prévisions de consommation (et l’on peut aussi importer de l’énergie des pays voisins si besoin). Mais la spécificité des énergies renouvelables est que le niveau de production est plus difficile à prévoir. Il faudra donc, dans un avenir proche, adapter la consommation en fonction de la production disponible. En pratique : dire aux ménages qu’il est temps de mettre en route leur machine à laver maintenant car la production d’énergie renouvelable est plus élevée à ce moment précis.
Le projet Heol
Dans le cadre de Rudi, c’est le projet Heol (« le soleil », en breton) de la société Eegle qui a été retenu (voir Zoom-In #1 pour une présentation détaillée des six projets sélectionnés). Heol vise à soutenir le développement de projets de solarisation dans l’agglomération rennaise, c’est-à-dire à étudier la possibilité d’installer des panneaux photovoltaïques sur les toits de certains bâtiments publics. La collectivité publique a déjà accès à de nombreuses données (cadastre solaire, données sur les bâtiments, données de consommation énergétique, etc.) Mais Heol va plus loin en permettant de croiser ces données et de délivrer des insights. L’objectif final est de permettre à Rennes Métropole de prioriser ses projets de solarisation, notamment en étudiant le potentiel d’autoconsommation (c’est-à-dire la consommation sur le site de production lui-même).
Nicolas Viel est, au sein de Rudi, l’un des parrains de Heol. Il explique les avantages de cette collaboration : « les échanges avec l’équipe d’Eegle nous font avancer. Ils nous posent des questions sur l’accès aux données, testent nos solutions, et nous donnent du feedback« . Cette discussion est d’autant plus pertinente que l’équipe d’Enedis qui traite les demandes de données au niveau national – le Datadesk – est basée à Rennes. Cette proximité facilite également les échanges et permet des boucles de rétroaction très rapides.
La valeur ajoutée de la collaboration au sein de Rudi
Nous avons demandé à nos deux interlocuteurs ce que Rudi leur apportait. Tous deux avaient déjà collaboré à de précédents projets : qu’y a-t-il de nouveau avec Rudi ? Pour Laurent Le Breton, « le véritable apport est d’abord l’opportunité de réaliser un projet concret, de démontrer la valeur de nos solutions et d’explorer de nouvelles opportunités« . Il souligne qu’il n’était pas possible, dans le cadre de cette expérimentation, d’utiliser les fonctions de partage de données de la plateforme, qui n’étaient pas encore disponibles.
Nicolas Viel souligne également que la participation à Rudi a un impact positif sur son entreprise, « cela bouscule les choses » et aide les équipes d’Enedis à développer leurs compétences dans le domaine des données et de leur partage.
La valorisation des données énergétiques n’est qu’un des nombreux cas d’usage de Rudi. Mais cet exemple illustre la nécessité d’une meilleure collaboration entre les acteurs économiques (startups, industriels) et les acteurs publics pour répondre aux grands enjeux de société. Il montre également que les données, lorsqu’elles sont utilisées correctement et dans un cadre respectueux de la vie privée, peuvent contribuer à relever ces défis. Tout ce qui